Les incohérences

        La rédaction de Dynasty s’est poursuivie au long de neuf années, sans compter le temps nécessaire à l’épisode de conclusion diffusé plus d’un an après la fin provisoire. Cela sous-entend que de nombreux scénaristes se sont succédés. Or on ne peut guère exiger que les nouveaux scénaristes prennent connaissance de la totalité des épisodes précédents, à la rédaction desquels ils n’ont pas collaboré.
        Certes, il existe en télévision ce qu’on appelle « la bible » du feuilleton ou de la série, recueil dans lequel figurent tous les renseignements nécessaires : caractères des personnages, orientation du point de vue adopté par les concepteurs, description des épisodes. Mais tous les détails ne peuvent être recensés, et les concepteurs, même s’ils ont l’œil à tout, connaissent parfois des trous de mémoire !
        Il n’est donc pas étonnant que des détails incohérents se glissent insidieusement dans la rédaction ou la réalisation des épisodes. Toutes les œuvres télévisées en connaissent. Dynasty n’échappe pas à ce phénomène.

Le méchant

        Tout feuilleton doit comporter au moins un méchant. C’est absolument indispensable. Rappelons la leçon d’Hitchcock : plus le méchant est intéressant, plus le film est réussi ; or cela vaut aussi pour la télévision.
        Dans Dynasty, durant la première saison, c’est-à-dire les épisodes 1 à 15, ce rôle est manifestement attribué à Blake Carrington, et nul autre personnage n’endosse la charge – son chauffeur Michael n’étant guère plus qu’un sous-fifre. Pourtant, soit par désir de nuancer le personnage principal, soit par crainte de perdre les téléspectateurs qui ne trouvent aucun « gentil » de premier plan – Krystle est par trop mièvre et guindée, Steven est homosexuel, Claudia est trop fragile pour être une héroïne –, les producteurs décident, à partir de la deuxième saison, de transférer l’incarnation du Mal sur d’autres personnages, dont un spécialement créé à cette fin, Alexis, et de reporter sur Blake tout le prestige qui s’attache au gentil.
        Néanmoins, Alexis ne sera pas le seul méchant, ou plutôt la seule méchante. Peut-être parce qu’elle n’est pas assez méchante, puisqu’elle a tant de raisons de l’être ! Cecil Colby joue donc également ce rôle, et, de riche pétrolier doublé d’un homme d’affaires coriace, il se glisse carrément dans la peau d’un gangster (il est vrai que la marge est étroite entre les deux professions...). Le docteur Toscanni, amoureux de Krystle et donc rival de Blake, est au début un personnage plutôt positif, mais on apprend très vite qu’il n’a d’autre désir que de voler sa femme à Blake, car il entend se venger de celui qu’il regarde comme responsable du suicide de son jeune frère. Beaucoup plus tard, Matthew Blaisdel, personnage sympathique, se métamorphosera en méchant, lorsqu’il reviendra d’Amérique du Sud afin de « récupérer » Krystle, via une prise en otage de toute la famille. Pour comble, le propre fils Carrington, Adam, est un traître permanent dès qu’il retrouve sa famille, mais traître uniquement envers son père, son frère et son beau-frère Jeff. En s’opposant à Blake afin de rentrer en possession d’un puits de pétrole dont elle se croit l’héritière, la douce Claudia Blaisdel est aussi une méchante tardive et passagère (elle meurt très vite), au demeurant peu redoutable. Le frère de Blake, Ben, est encore un méchant temporaire, car il finit par s’amender avant de disparaître. La chanteuse Dominique Deveraux est présentée comme une prédatrice, décidée à s’approprier la fortune des Carrington, mais, sitôt qu’elle hérite de Tom Carrington, son père naturel, elle passe dans le camp des gentils. Dex, en s’opposant au début à Blake, est catalogué méchant, mais il finit dans la peau du meilleur allié de Blake lors de l’extravagante aventure du trésor nazi. Jeff commence une éphémère carrière de méchant en insultant tout le monde lors d’un dîner, mais, très vite, il devient presque un fils pour Carrington. Leslie, la fille de Ben, suit un peu le parcours inverse : de gentille, elle devient une traîtresse, par simple cupidité. Enfin, Sean Rowan, le fils de Joseph, est d’emblée un méchant absolu.
        On a laissé de côté quelques comparses, comme Zak Powers, surtout présent dans Les Colby, ou Rashid Ahmed, méchant caricatural, ou la secrétaire Tracy. Et Jason Colby n’est que de passage. Cependant, impossible de passer sous silence le sénateur corrompu Neil McVane, qui va jusqu’à l’assassinat de Mark Jennings, ou le chauffeur Michael Culhane, devenu ultérieurement riche par des moyens qui ne seront pas révélés au téléspectateur, et qui collectionne les filles de Blake. Enfin, le cas du majordome Joseph Anders est assez ambigu, car il ne déteste que les épouses de Blake (mais on ne vous fera pas ici le coup de l’homosexualité cachée, cliché psy par trop classique) !
        Toujours est-il que cette galerie de méchants remplace Blake dans l’aversion du téléspectateur, et laisse au chef de la famile Carrington tout loisir de se muer en saint laïc. Pourtant, comment oublier qu’il a commencé en lâchant ses chiens sur un rival en affaires, en faisant saboter les installations de forage de ses concurrents, en faisant tabasser son chauffeur avant d’en faire un espion... et en violant sa femme ?!
        Détaillons à présent quelques incohérences de détail.

Épisode 118 - The aftermath (Le bilan)

        Alors que le prince Michael a reçu une balle dans la poitrine lors de l’épisode précédent, il n’est plus blessé qu’au bras.