Conception
Au début, nous voyons ceci :
Ouf ! Nous ne sommes pas au Texas.Ce nest pas :
... cest :
La création de Dynasty, feuilleton diffusé sur la chaîne ABC, aux États-Unis, du 12 janvier 1981 au 11 mai 1989, répond au désir du patron de la chaîne, Fred Silverman, de rameuter cette partie du public qui trouvait Dallas, diffusé sur CBS, trop vulgaire, et ne supportait pas les aventures répétitives de la famille Ewing, de ses deux frères ennemis J.R. et Bobby invraisemblables à hurler, avec leurs têtes de maquignon et de garçon de café , et de leurs diverses compagnes, dont la distinction et la sobriété nétaient pas les vertus premières.
Le 20 janvier 1980, Silverman sadresse donc au producteur Aaron Spelling, déjà créateur de Drôles de dames, et lui demande de mettre en chantier un nouveau feuilleton.
Les concepteurs chargés de mettre sur pied ce nouveau programme, les époux Esther et Richard Shapiro, reprennent alors le point de départ, qui na pas trop mal fonctionné : une famille de pétroliers, évidemment très riches. Le Texas faisant trop cliché, souffrant en outre dune image de marque déplorable, laction se déroulera cette fois dans le Colorado.
Dautre part, en bons Texans, les Ewing nétaient que des ploucs. Le Texan, faut-il le rappeler, trouve très distingué de décorer de cornes de bufs le capot de sa voiture, et les hommes ne se séparent jamais de leur chapeau, même pour dormir. Les Ewing ne pensaient quà largent, accessoirement au sexe, buvaient comme des trous, étaient totalement incultes et sans scrupules. On a donc imaginé une famille, les Carrington, qui se situe à lexact opposé : largent ny est que le meilleur moyen de bien vivre et de se cultiver, tout en faisant le bien. Bref, une aristocratie de la fortune et du mécénat, espèce quon ne trouve guère quaux États-Unis à de rares exemplaires en Europe, comme les Rothschild. Les personnages seront beaucoup plus nuancés, puisque rares seront les « vrais méchants », et que les « bons » possèderont leurs travers. Foin du manichéisme !
Le décor participe de cette conception : on ne vit plus dans un ranch égaré dans une plaine sans attraits, que peuplent seulement des troupeaux de bovins (non, il ne s'agit pas des personnages), mais dans une grande et vieille maison, élégante et somptueuse, entourées de magnifiques jardins, et qui jouera un rôle à plusieurs reprises. Le maître des lieux possède des tableaux, évidemment de maître, une réplique de la Vénus de Milo orne son rez-de-chaussée, sa bibliothèque est bien fournie, un piano à queue trône dans son salon, et même son avion personnel est décoré avec goût. Il sert dailleurs de moyen de transport lorsquon invite une femme à dîner : trop banal de manger sur place, à Denver, ville sans agréments excessifs, alors quil y a de si bons restaurants français à San-Francisco... et même à Paris !
La fortune des Carrington leur permet également de donner des fêtes somptueuses, alors que les Ewing ne recevaient jamais ; de voyager ; de subventionner des uvres (les hôpitaux notamment) et une équipe de football ; de rechercher de nouveaux procédés dexploitation du pétrole plus rentables et moins polluants. Bref, de vivre fastueusement tout en faisant le bien... mais à la manière des riches. Occasionnellement, on soffre même une campagne électorale (pour un parti politique quon se garde bien de désigner la télévision doit rester consensuelle , mais quon devine républicain plutôt que démocrate).
En somme, le nouveau feuilleton va tenter de se concilier un public de gauche (en évitant de se couper de celui de droite), lui faisant miroiter les avantages de la vie des riches, sans trop heurter sa conscience toutefois.
Mais lextrême complication des situations créées, leffet daccumulation, et la répétition de certains événements (il y a toujours un Carrington hospitalisé durgence et en danger de mort, il y a souvent des procès) font que lhistoire devient peu à peu abracadabrante, pour culminer, la dernière année, en une chasse au trésor nazi, dont le ridicule va décourager de nombreux téléspectateurs jusque là restés fidèles. Quant à lépisode de conclusion, mis en uvre deux ans après la fin présumée du feuilleton, il narrange rien : les divers thèmes sont bricolés à la va-vite, certains personnages ont disparu sans quon y fasse la moindre allusion, et loptimisme forcé de la séquence finale sonne faux. En somme, Dynasty, cest comme le supplice du pal : ça commence bien, mais ça finit mal.